vendredi 10 juillet 2009

Les filles de la nuit

J'étais au coin de Saint-Catherine et Pie-IX, en face du bar l'Imprévu. J'attendais le bus de 21h11 : Vingt minutes à attendre... Habituellement je marche, mais ce soir j'avais les bras chargés. Dans ce secteur de mon quartier une fille qui attend au coin d'une rue, à cette heure, attire les regards. J'étais bien contente d'avoir un paquet avec moi et espérais fortement que le message était clair : Je n'étais pas à vendre. J'avais déjà préparé un laïus, au cas où je me ferais accoster... Je me voyais déjà dévisager l'homme en lui disant qu'il faudrait un jour qu'il comprenne que les femmes ne sont pas toutes des prostituées. Par chance aucune automobile n'a ralenti, aucun homme n'a abaissé sa fenêtre... Il n'y a qu'une fille qui s'est approchée. À peu près de mon âge, peut-être plus jeune... Les cheveux blonds frisés attachés derrière la nuque. Elle voulait 50 sous. Pour appeler m'a t-elle dit pendant que je cherchais dans mon sac. Merci, merci beaucoup, madame. Elle est ressorti du bar quelques instants plus tard. Elle a tournoyé autour de moi, puis est revenue à la charge. Son visage luisait d'excitation. 2 dollars pour la cagnotte. Pour la cagnotte? Oui m'a-t-elle répondu en souriant, il me faut juste deux dollars... Je suis sûre que c'est le moment... Tu joues aux machines lui demandais-je? Si je gagne je vous promet de partager... Elle parlait de plus en plus vite comme si elle était pressée. D'accord deux dollars, mais après je ne te donne plus rien, ok? Merci, merci beaucoup. Et je lui ai donné 2 dollars... L'autobus est finalemant arrivée et c'est avec soulagement que j'y suis montée... Surtout parce que je n'avais pas envie que la fille revienne... En vrai je craignais de lui en redonner...
MAIS BON DIEU que fait une fille de son âge dans un bar glauque schotchée devant une machine de video poker? Accrochée de toutes ses forces au mince espoir que dans un claquement de doigts tous ses problèmes s'évaporeraient ... Et de perdre.... Et de continuer malgré tout... Mais pourquoi? Pourquoi? Mais qu'est-ce donc qui t'a menée là??? T'as t'on blessée? Maltraitée? Malaimée? Oh bonté, je suis si chançeuse de n'avoir développée aucune addiction... Quitte à devoir affronter le réel à froid... Ne pas chercher l'évasion ailleurs (dans un monde souvent pire que la réalité). Plus élémentaire encore je me suis sentie heureuse d'avoir un endroit où aller, d'avoir un toit sur ma tête, de la nourriture dans mon frigidaire et surtout, surtout: des gens qui m'aiment... Je regardais alors par la fenêtre de l'autobus et... J'en ai vue une autre... Une autre fille de la nuit. Et ça m'a serré le coeur, encore plus fort, comme dans un étau. Parce qu'elle était jeune aussi. Trop jeune. Et qu'elle, elle était à vendre. Clairement. D'un pas chancelant, elle a traversé le quadrilatère en diagonale."Pauvre fille" a dit la chauffeuse d'autobus. Je revois encore ses cheveux blonds décoiffés. Une camisole rose, une jupe en jeans et des sandales... Toute nue pour affonter la nuit... si vulnérable. Qui te fera mal ce soir? Ô petite j'aurai tellement aimé pouvoir te protéger, t'amener au chaud, te dire qu'un autre monde est possible, qu'un autre monde existe... mais je ne l'ai pas fait: J'ai continué ma route en détournant le regard. De retour à la maison j'ai écouté Maria full of grace. Film tout indiqué: C'est l'histoire d'une adolescente qui transporte de la drogue dans son estomac de la Colombie aux États-Unis: Pour un avenir meilleur... Ô mujer, ô femmes, ô filles de la nuit, dites-moi, qui vous protégera?

2 commentaires:

  1. Tu me fais pleurer chère cousine...

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  2. Sorry... mais merci Infiniment de me lire. À l'avenir je vais tenter d'être un tantinet moins tristounette (et peut-être plus concise)... Dire que je voulais faire un blogue comique. Mouaaaa elle est bien bonne celle-là. Mais c'est pas grave... je dis: À bas la censure (surtout quand ça vient de moé-même). Grosse bise banane!

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